Le monde compte à l’heure actuelle 1,3 milliard d’adolescent.e.s, qui représentent 16% des 8 milliards d’habitant.e.s sur notre planète. On s’attend à ce que cette jeune génération se montre plus active, plus productive et plus innovante lorsqu’il s’agit d’améliorer l’état du monde. Pourtant, peu d’attention est accordée à l’opinion des jeunes sur les questions globales qui façonnent l’avenir de la planète.
Le changement climatique et la perte de la biodiversité sont des défis mondiaux auxquels la population adolescente (définie par les Nations unies comme les personnes âgées de 10 à 19 ans) devra gérer dans sa vie quotidienne et dans sa future carrière. En l’état actuel des choses, ils et elles font face à de graves disparités intergénérationnelles, en particulier dans le contexte du changement climatique. En effet, une étude réalisée en 2022 estime que les enfants seront confronté.e.s à bien plus de canicules, de sécheresses, d’inondations et d’incendies de forêt que leurs grands-parents.
En tant que conseillère pour la jeunesse du Villars Institute, je m’attache à comprendre comment les jeunes perçoivent l’importance et l’impact des questions mondiales sur leur futur travail ou leur future carrière ainsi que dans leur vie quotidienne. Il s’agit d’une distinction importante puisqu’il est peu probable que chaque jeune poursuive une carrière directement liée au changement climatique ou à la perte de la biodiversité. Cependant, chaque membre de ma génération – et des générations futures – verra sa vie façonnée par ces questions et d’autres problèmes mondiaux, qu’il/elle le veuille ou non.
Dit simplement, nous vivons dans un monde interconnecté et interdépendant. C’est pourquoi l’enquête Villars sur les enjeux mondiaux examine les perceptions des jeunes sur six sujets importants qui façonneront leur avenir et celui de la planète. Ces six questions globales comprennent : la santé de la planète, l'économie nette zéro et l’économie Nature positive, la transition énergétique, les solutions fondée sur la nature, les technologies émergentes, la pensée et le leadership systémiques. Notre objectif est de catalyser le débat public en soulignant l’importance et l’impact de ces six questions mondiales à travers les générations et en mettant l’accent sur la nécessité d’une plus grande collaboration intergénérationnelle.
Nous avons mené l’enquête auprès de plus de 150 jeunes représentant plus de 50 écoles et 40 nationalités à travers le monde. Tous.tes les sondé.e.s font partie du programme Villars Fellowship et ont un âge moyen de 16 ans. Nous leur avons demandé comment les six problèmes mondiaux vont influencer leur travail, leur carrière et leur vie quotidienne au cours des cinq à dix prochaines années. Nous voulions tester la perception des médias selon laquelle le sentiment des jeunes est celui de la colère et de l'éco-anxiété et remettre en question le récit de la « peur chronique de la catastrophe environnementale ». Nous avons également constaté que les sondages existants auprès des jeunes sur les questions mondiales ignorent souvent la manière dont ces problèmes influenceront leurs choix futurs en matière d’éducation, de carrière et de mode de vie.
C’est pourquoi nous avons décidé d’aller au-delà de ce que font les sondages traditionnels sur la jeunesse et le climat et d’explorer les éléments qui constituent l’ensemble des opinions des jeunes. Contrairement à d’autres enquêtes, nous n’examinons pas seulement l’impact potentiel sur le travail ou la carrière – nous nous intéressons également à l’impact sur leur vie de tous les jours. Nous comprenons que les entreprises doivent changer mais les comportements des consommateurs et des consommatrices aussi – et la réalité est que tout le monde n’a pas la possibilité, ou la volonté, de travailler dans une profession ou une industrie qui n’est pas directement liée à l’objectif des émissions carbone net zéro ou à la prévention de la perte de la biodiversité.
En janvier de cette année, j’ai été invité à participer et à prendre la parole lors de la réunion annuelle du Forum économique mondial à Davos en Suisse. J’ai participé à un panel dans le cadre de l’Open Forum, intitulé « Protéger les personnes vulnérables climatiques », au cours duquel j’ai annoncé nos projets pour l’enquête Villars sur les enjeux mondiaux.
Les participant.e.s ont été frappé.e.s d’apprendre que près de 80% des personnes interrogées estiment que chacune de ces six questions mondiales sera soit très importante, soit absolument essentielle pour leur travail ou leur carrière dans les cinq à dix années à venir.
Il est tout aussi intéressant de constater qu’environ 80% d’entre eux et d’entre elles pensent que ces questions auront le même impact sur leur vie quotidienne que sur leur future carrière. Il faut en déduire que, par rapport aux générations précédentes, les jeunes d’aujourd’hui pensent que les problèmes mondiaux n’auront pas seulement un impact sur leur travail ou sur leur carrière mais qu’ils auront également un impact significatif sur leur vie quotidienne.En particulier, seuls 2% des personnes interrogées estiment que ces six questions n’auront que peu d’importance pour leur travail ou leur carrière et 3% seulement pensent qu’elles n’auront qu’un faible impact sur leur vie quotidienne.
Il est intéressant d’observer la différence entre l’importance perçue et l’impact de ces questions sur la carrière et la vie de tous les jours. Par exemple, 36% des sondée.e.s pensent que le leadership systémique sera absolument essentiel dans leur travail ou dans leur carrière au cours des cinq à dix prochaines années, contre seulement 26% qui estiment que la pensée systémique aura le même impact dans leur vie quotidienne au cours des cinq à dix années à venir.
De même, 33% des jeunes interrogé.e.s pensent que le concept de santé planétaire sera absolument essentiel dans leur travail ou dans leur carrière d’ici cinq à dix ans, mais 43% estiment que la santé planétaire aura un impact considérable sur leur vie quotidienne au cours des cinq à dix années à venir.
Pour les pédagogues et les employeur.e.s, il sera primordial de comprendre pourquoi il y a des écarts entre l’impact perçu sur le travail futur et l’impact sur la vie quotidienne. C’est pourquoi nous sommes enthousiastes à l’idée de poursuivre cette recherche chaque année, en suivant l’évolution des opinions au fil du temps et en augmentant le nombre de sondé.e.s au niveau mondial chaque année.
Une partie importante de notre enquête a consisté à demander aux participant.e.s ce qu’ils et elles souhaitaient apprendre sur chacune des six questions mondiales.
Un thème commun était une meilleure compréhension des solutions pratiques au jour le jour à un niveau individuel. Les problèmes mondiaux, en particulier le changement climatique, peuvent facilement devenir insurmontables – c’est encore plus vrai pour les jeunes qui vont hériter des conséquences des décisions actuelles – il est donc compréhensible que les jeunes recherchent des solutions réalistes et faisables, facilement applicables dans leur vie de tous les jours.
Les répondant.e.s ont également montré un intérêt pour l’application de la pensée systémique et du leadership systémique dans plusieurs disciplines, par exemple, l’économie et les sciences de l’environnement, et pour en apprendre davantage sur cette interconnectivité qui sous-tend le concept de la pensée systémique.
En ce qui concerne la santé et les limites de la planète, un certain nombre de réponses suggèrent que les jeunes aimeraient en savoir plus sur les fondements de ces thèmes – ce qu’ils sont, où nous en sommes, et vers quoi nous nous dirigeons. Celles et ceux qui en ont une certaine compréhension ont manifesté de la curiosité à l’égard de certaines limites planétaires telles que les nouvelles entités. Il ressort clairement des réponses que de nombreux jeunes partagent la conviction que ces enjeux mondiaux, en particulier, la santé planétaire, devraient être inclus dans les programmes scolaires.
Un autre thème commun aux six questions et aux réponses des participant.e.s est la manière d’avoir un impact positif dans ces domaines au sein des entreprises. Quelles actions les jeunes entrepreneur.e.s peuvent-ils et elles entreprendre pour avoir un impact positif, par exemple, sur la santé de la planète ?
Les participant.e.s ont également indiqué qu’ils souhaitaient apprendre comment ils et elles pouuvaient contribuer en tant que jeunes, à une économie nette zéro et Nature positive et comment ils et elles pouvaient s’impliquer davantage dans les processus de prise de décisions qui auront un impact direct sur leur avenir. Les participant.e.s se sont montré.es désireux.es d’en savoir plus sur les sources d’énergies renouvelables et sur les carrières possibles dans ces domaines, ainsi que sur les entreprises et les initiatives à soutenir.
De même, sous le thème de la transition énergétique, les sondé.e.s se sont montré.es curieux.es de connaître la faisabilité économique de la transition, en particulier pour les foyers à faible revenu, et la technologie nécessaire pour y parvenir. Certain.e.s étaient particulièrement désireux.es d’en savoir plus sur l’énergie nucléaire et sur le potentiel de cette énergie pour soutenir l’économie mondiale dans sa transition vers des émissions nettes zéro.
Parmi les réponses intéressantes concernant les solutions fondées sur la nature et les technologies émergentes, on peut citer l'intérêt pour la biotechnologie, en particulier le biomimétisme et les systèmes alimentaires.
Nous sommes sur la voie irréversible d’un réchauffement climatique encore plus marqué. Notre plus grand espoir est de limiter ce réchauffement à moins de 2°C et de viser 1,5°C si cela est encore possible. En dépit de cela, je ne suis pas pessimiste. Au contraire, je suis encouragée par les résultats de notre première enquête.
Je crois que pour la jeunesse du monde entier, la chose la plus importante que nous puissions faire en tant qu’individus est d’explorer et d’exprimer nos dons uniques et nos passions au profit des autres. Nous avons tous la possibilité de contribuer, par nos propres talents, à l’effort collectif de lutte contre le réchauffement climatique.
Je suis une optimiste obstinée et je crois que l’humanité – et en particulier notre jeunesse – a la capacité et l’intelligence de relever n’importe quel défi, y compris celui de la crise climatique. Les humains sont à la source du problème, nous avons les compétences et la créativité nécessaires pour l’atténuer.
Cliquez ici pour accéder à l’enquête sur les enjeux mondiaux