Les expériences de Jade Hameister dans les régions polaires l’ont profondément rapprochée de la Terre. Elle canalise cette passion pour la préservation de la planète pour les générations futures dans son rôle de conseillère jeunesse pour le Villars Institute, notamment en tant que mentor dans le cadre du nouveau programme de mentorat du Villars Institute.
À 23 ans, Jade Hameister est conseillère jeunesse pour le Villars Institute. Elle a obtenu en octobre 2023 une licence en commerce (finance) à Monash University à Melbourne en Australie. Elle a effectué un stage au Villars Institute dans le cadre de ses études en 2022. En 2019, Jade Hameister a reçu la médaille de l’Ordre d’Australie (OAM) dans le cadre des honneurs de l’anniversaire de la Reine. Jade Hameister a également raconté ses voyages polaires dans son livre, My Polar Dream, et dans le documentaire du National Geographic On Thin Ice: Jade’s Polar Dream, qui a été diffusé dans 170 pays. Elle a également donné une conférence TEDx, s’est exprimée lors de la réunion annuelle du Forum économique mondial à Davos et a participé à la COP 27 des Nations Unies en Egypte sur le changement climatique.
SES EXPÉDITIONS POLAIRES
Je suis née dans une famille d’aventuriers. Mon père a escaladé des montagnes, dont les sept sommets, et nos vacances en famille consistaient généralement à faire de la randonnée loin des sentiers battus. Lors d’un de ces voyages, alors que j’avais 12 ans, nous avons fait l’ascension jusqu’au camp de base du mont Everest, dans l’Himalaya. C’est là que j’ai rencontré une Icelandaise qui m’a inspirée : Vilborg Arna Gissurardottir – Villa en abrégé. Villa avait skié jusqu’au pôle sud en solitaire et pendant que nous marchions, elle m’a raconté son histoire. Je me suis dit : « Si elle peut le faire, je peux peut-être le faire aussi. »
Notre expédition au pôle Sud a été le plus grand défi de tous. Nous avons décidé de tenter un nouvel itinéraire depuis la côte de l'Antarctique à travers les montagnes transantarctiques en passant par le glacier Kansas. Cette route n’avait été étudiée que par des photographies aériennes. Personne n’y avait posé le pied auparavant. Par rapport à l’itinéraire traditionnel, les crevasses n’étaient pas indiquées sur le GPS, nous avons dû parcourir environ 200 km à travers des sastrugi (crêtes de neige ressemblant à des dunes de sable) qui nous arrivaient à la taille, et nous avons été confrontées à une montée intimidante et abrupte pour sortir du glacier et atteindre le plateau polaire.
À PROPOS DE SON PARCOURS EN TANT QUE JEUNE LEADER SYSTÉMIQUE
Mes expéditions polaires m’ont appris que le courage est plus important que la perfection. Je n’aurais jamais réalisé mon voyage polaire si j’avais cherché la perfection. Tout d’abord, lorsque j’ai entrepris de rejoindre le pôle Nord à ski, je ne savais pas skier ! En fait, je n’ai appris le ski alpin qu’en Suisse, il y a deux ans lorsque j’étais stagiaire à Villars ! Si je m’étais préoccupée de mon niveau de ski, je pense que je n’aurais même jamais commencé.
Malheureusement, mes expéditions m’ont confirmé les effets dévastateurs que les humains ont sur nos précieuses et fragiles régions polaires. Dans l’Arctique, le début de notre expédition a été retardé de deux semaines car la mer de glace, qui d’ordinaire formait une piste d'atterrissage pour notre avion, ne cessait de se briser en raison du temps chaud. Nous avons également connu des températures inhabituellement chaudes au Groënland où, avant même de pouvoir commencer à skier, la glace s’était tellement éloignée de la côte que nous avons été dû porter physiquement chacun de nos traîneaux d’un poids de cent kilos sur plus d’un kilomètre depuis notre point de débarquement jusqu’à la glace la plus proche. Ensuite, au sommet de la calotte glaciaire (à environ 2 500 m au-dessus du niveau de la mer), où les conditions météorologiques auraient dû être extrêmement froides, nous avons été pris dans un blizzard pendant deux jours et il faisait si chaud que nous avons été trempés par une pluie battante. Nous sommes restés coincés dans notre tente pendant deux jours, le temps de faire face à la tempête et de faire sécher notre matériel.
J’ai eu la chance d’être accompagnée d’une équipe formidable, dont l’assistant caméra du National Geographic, Heath Jamieson, qui est devenu mon mentor et un grand ami. Heath est un vétérant des forces spéciales qui a été blessé par balle au cou en Afghanistan. Les médecins lui ont dit qu’il ne remarcherait plus jamais. Pendant les voyages, parmi les participant.es, c’était Heath qui portait la charge la plus lourde : son propre équipement, sa nourriture et son carburant, ainsi que tout le poids du matériel cinématographique. Il m’a expliqué que le cerveau humain est paresseux – il cherche constamment des excuses pour ne pas avoir à faire quelque chose de difficile ou d’inconfortable. La clé est de tromper le cerveau, par exemple en souriant. Depuis, j’applique ce raisonnement tous les jours.
L’humour est un excellent moyen de faire face aux trolls en ligne. Après mon retour du pôle Nord, à l’âge de 15 ans, j’ai donné une conférence TEDx, qui visait les jeunes femmes et comment les faire passer de leur apparence aux possibilités qui s’offrent à elles. La conférence a été mise en ligne sur YouTube et a reçu beaucoup de messages de soutien et d’encouragement mais il y a eu quelques trolls, pour la plupart, c’étaient des commentaires dégradants envers les femmes, comme : « Va me faire un sandwich ». Sur le chemin vers le pôle Sud, nous plaisantions parfois sur ces commentaires. Lorsque nous sommes arrivés au pôle, j’ai demandé au chef cuisinier du camp de me faire un sandwich. Ce soir-là, j’ai posté la photo sur mon compte Instagram accompagnée de cette légende : « … pour tous les hommes qui ont laissé le commentaire : “ va me faire un sandwich” lors de ma présentation TEDx… je vous ai fait un sandwich (jambon fromage). Maintenant, vous pouvez skier 37 jours et 600 km jusqu’au pôle Sud pour venir le manger. Bisous. »
Cette année, je vais finir mes études dans le domaine des affaires et de l’entreprenariat. Mon rêve est de créer une entreprise qui aurait un impact positif sur notre environnement et notre société. Je souhaite vivement consacrer plus de temps cette année à l’apprentissage des outils et des stratégies nécessaires pour diriger avec succès une organisation qui a un but précis, notamment par le biais d’un programme passionnant à Melbourne axé sur l’empathie dans le monde des affaires.
À PROPOS DU VILLARS INSTITUTE
Mon voyage à Villars a commencé dans l'Arctique en 2016. C’est à Villars que j’ai rencontré pour la première fois mon ami Keith Tuffley, membre du conseil d’administration du Villars Institute. Il faisait partie d’une autre expédition qui skiait également vers le pôle Nord. Keith et moi sommes restés en contact puis, plus tard, nous avons pu nous retrouver grâce au Villars Institute. Après cela, j’ai fait un stage de trois mois au sein de l’équipe du Villars Institute en 2022.
J’ai aussi eu le privilège de rencontrer des personnes qui m’ont vraiment inspirée grâce au Villars Institute, notamment le professeur Johan Rockström, directeur de l'Institut de Potsdam pour la recherche sur l’impact climatique. La première fois que j’ai rencontré Johan Rockström, c’était à l'occasion d’un voyage sur la voile et la science (“Sail and Science”) sur le yacht Abel Tasman Expedition dans les îles Lofoten en Norvège en 2022, où j’ai beaucoup appris de lui et de ses fils Isak et Alex, sur la science du climat et sur les limites planétaires. Johan Rockström continue de m’inspirer, car il sait mieux que quiconque à quel point notre situation est désastreuse. Pourtant, il continue de se montrer à la hauteur dans son rôle de directeur de l’Institut de Potsdam. C’est un être humain très cool.
Les jeunes transforment leur « éco-anxiété » en « éco-ambition ». Une partie de mon rôle de conseillère pour la jeunesse consiste à diriger [l’enquête du Villars Institute sur les questions mondiales] (https://villarsinstitute.org/fr/posts/global-issues-survey-2024), un sondage annuel qui examine les perceptions des jeunes sur des sujets dont on ne parle que très peu mais qui façonnent l’avenir. Cette enquête vise à remettre en question le discours dominant selon lequel le sentiment des jeunes et celui de la colère et de l’« éco-anxiété ». La tendance observée jusqu’à présent est positive et optimiste : nombreuses et nombreux sont les jeunes qui passent de l’« éco-anxiété » à l’« éco-ambition » et abordent la crise climatique sous l’angle de l’action.
La pensée systémique est essentielle pour trouver une voie vers la protection de la planète. Elle nous incite à prendre en compte un contexte plus large et des effets à long terme de nos actions et nous aide à identifier les causes profondes, à anticiper les conséquences imprévues et à créer des solutions durables pour des environnements complexes et dynamiques. Préparer de futurs leaders systémiques à un monde de plus en plus complexe doit également signifier les préparer à penser en termes de systèmes.
Malgré les faits, je reste optimiste face à la crise climatique. Je suis persuadée que ma génération disposera de la technologie, de la passion et du mouvement unifié nécessaires pour changer les choses de manière significative. La communauté grandissante de près de 500 Villars Fellows continue de confirmer cette confiance en moi, mais je crois qu’il appartient à la génération actuelle de leaders d’accepter la responsabilité de l’éducation et du développement des jeunes d’aujourd’hui – la future génération de leaders – en mettant l’accent sur les domaines qui seront les plus importants pour un avenir durable, ainsi que sur l’état d’esprit et les compétences nécessaires pour prospérer dans le respect des limites planétaires.
Je me réjouis à l’idée de participer au prochain programme de mentorat du Villars Institute en tant que mentor. J’espère qu’en partageant mon histoire, je pourrai inspirer d’autres personnes à être courageuses. Le courage est une exigence qui nous permet d'exprimer pleinement tout ce qui nous rend uniques et ce que nous pouvons apporter à ce monde. Lorsque nous vivons notre vie de cette manière, nos actions ont un retentissement sur celles et ceux qui nous entourent. Notre avenir collectif dépend de notre choix d'être courageuses et courageux… et imparfait.es.